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N'abandonnez pas l'arbitrage entre investisseurs et États, réformez-le !

- Par : Armand de Mestral –


Dans un récent article d'opinion, mon collègue du CIGI, David Schneiderman, a appelé le Canada à abandonner son soutien à l'arbitrage entre investisseurs et États (AIE) dans les accords internationaux de protection des investissements. Il a salué l'opposition à l'AIE par le Parlement wallon et la décision de l'UE de séparer l'AIE de l'application provisoire du reste de l'AECG. Comme d'autres critiques de principe de l'AIE, David Schneiderman s'oppose à l'inclusion de l'AIE non seulement avec l'UE mais avec tous les partenaires commerciaux du Canada.


Cet article plaide en faveur d'une réforme continue, et non d'un abandon.


L'UE a décidé de soumettre la légalité de l'AIE dans l'AECG à sa Cour de justice (CJUE) et attendra la décision de la Cour avant de mettre l'AIE en vigueur. L'issue probable de ce litige est que la CJUE estimera que le pouvoir d'engager l'AIE a été transféré des États membres à l'UE elle-même. L'UE devra alors faire le choix politique de maintenir ou non l'AIS dans l'AECG. Il faut savoir que l'UE s'est déjà engagée, sur la base du soutien unanime de ses États membres, en faveur de l'AIE, tant dans les récents accords commerciaux avec Singapour et le Vietnam que dans le Traité sur la Charte de l'énergie de 1994 auquel elle est liée avec 52 États.


Le Canada et l'UE devraient-ils accepter d'abandonner l'AIE entre eux dans l'AECG ? Les démocraties développées peuvent certainement résoudre leurs différends entre elles sans recourir à l'AIE, cela ne fait aucun doute. Alors, le Canada et l'UE devraient-ils abandonner l'AIE dans l'AECG et dans tous les accords de protection des investissements existants et futurs ? Malheureusement, la réponse n'est pas aussi claire que les critiques le suggèrent.


L'abandon de l'AIE dans tous les accords commerciaux et de protection des investissements existants impliquerait de renégocier des traités tels que l'ALENA ou le traité sur la charte de l'énergie, ainsi qu'une multitude d'autres traités bilatéraux - au total quelque 3200. Ce serait comme démêler des œufs - pas si facile. Si le Canada faisait cavalier seul, cela signifierait que les investisseurs étrangers canadiens seraient désavantagés ou choisiraient de faire leurs investissements par l'intermédiaire de diverses juridictions étrangères - comme les États-Unis, le Japon, l'Allemagne ou les Pays-Bas - qui ne montrent aucune disposition à abandonner l'AIE dans leurs traités. L'abandon du recours à l'AIE dans tous les traités futurs désavantagerait les investisseurs canadiens.


Il y a un certain attrait à l'idée que le Canada abandonne l'AIE avec l'UE et les autres démocraties développées. Malgré les aberrations occasionnelles (comme le déni des droits des constructeurs canadiens de l'aéroport de Budapest ou l'expropriation sans compensation de la société Bowater par Terre-Neuve), les démocraties développées pourraient s'en passer. Mais quel message cela envoie-t-il au reste du monde, où les normes de justice et l'indépendance judiciaire laissent beaucoup à désirer ? Si le Canada et l'UE n'ont pas besoin de l'AIE, pourquoi devrait-elle être nécessaire pour le reste du monde ? Si le Canada peut abandonner l'AIE, il en va de même pour les nombreux pays où les droits de propriété sont, au mieux, ténus.


L'objectif initial et permanent de l'AIE est de garantir que, en cas de différend concernant le traitement arbitraire d'un investisseur étranger, ce différend sera réglé sur une base apolitique, par un tribunal indépendant, selon des règles préétablies définies dans un traité. L'AIE continue de bien remplir cette fonction dans de nombreux cas. Sur les 40 plaintes déposées contre le Canada en vertu du chapitre 11 de l'ALENA, il n'y aurait un recours comparable en vertu du droit canadien que dans quatre cas, ce qui montre que le droit canadien est déphasé par rapport aux protections internationales des droits de propriété. Le modèle canadien d'accord sur la protection des investissements étrangers (APIE), sur lequel le texte de l'AECG est largement fondé, est un texte très équilibré. En quelque 45 pages, il contient des définitions minutieuses des normes de protection des investisseurs étrangers dont ils peuvent bénéficier. L'APIE permet également aux États parties d'intervenir pour définir certains termes susceptibles d'être contestés et comporte diverses garanties procédurales importantes. Tout cela est conçu pour garantir que la capacité réglementaire du Canada et de l'autre partie à adopter des mesures pour protéger la santé et la sécurité des personnes, l'environnement et les normes fondamentales du travail, ne soit pas remise en cause. L'UE et le Canada sont maintenant allés un peu plus loin que le modèle canadien équilibré en créant un tribunal d'investissement permanent dans l'AECG. L'UE s'est engagée à tenter de négocier un tribunal d'investissement mondial permanent.


Abandonner l'AIE a un certain attrait. Mais nous vivons dans un monde de choix tragiques et les conséquences de l'abandon de l'AIE seraient bien pires que le système actuel.


Copyright 2017 le Centre pour l'innovation dans la gouvernance internationale. Cet article a été publié pour la première fois par le Centre pour l'innovation dans la gouvernance internationale et est reproduit ici avec autorisation.


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