- Par : Armand de Mestral –
L'accueil chaleureux du premier dirigeant canadien à s'adresser au Parlement européen à Strasbourg est une façon appropriée de marquer l'approbation, cette semaine, d'un pacte que l'on a cru - pendant quelques instants - en péril.
L'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne (AECG) est une réussite remarquable qui témoigne de la confiance des dirigeants d'Ottawa et de Bruxelles dans la capacité d'un accord de libre-échange élaboré à apporter des avantages à leurs peuples respectifs. Il constitue un puissant contrepoids au pessimisme ambiant et suggère que les forces de l'intégration économique mondiale sont, si ce n'est inexorables, susceptibles de résister aux théâtres politiques passagers.
Il est compréhensible que Justin Trudeau veuille recueillir les éloges maintenant que l'Union européenne a levé tout obstacle à l'application provisoire du pacte en attendant la ratification officielle par le Canada et chacun des 28 États membres de l'UE.
Mais est-ce là tout ce qu'il y a à dire ? L'AECG est-il la destination finale ou une étape sur une route plus longue ?
Le Canada et l'Union européenne ne devraient pas s'arrêter à un accord qui ne couvre qu'un petit pourcentage du commerce transatlantique. Ce qu'il faut, c'est un accord de libre-échange nord-atlantique pour tous les pays de l'Union européenne et l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA).
Les économies de l'Amérique du Nord et de l'Union européenne sont largement complémentaires et il est bien connu que les avantages les plus immédiats et souvent les plus importants du libre-échange sont obtenus par des accords entre économies et voisins similaires. Le bloc économique qu'est l'Union européenne, ainsi que l'ALENA, en sont la preuve.
Le libre-échange entre les pays riverains de l'Atlantique Nord représente un travail inachevé, un "fruit mûr" qui attend d'être cueilli par des dirigeants qui ont le courage de faire ce qui est évident et de surmonter les doutes de certains de leurs peuples. Si le libre-échange est bon pour le Canada et l'Union européenne, pourquoi ne l'est-il pas pour l'Union européenne et les États-Unis ?
Il existe une autre raison de croire qu'un accord de libre-échange atlantique (ALEA) serait bénéfique pour tous les pays concernés : la concurrence internationale. Nous vivons dans un monde de plus en plus compétitif où les pays se font concurrence pour offrir des conditions dans lesquelles les entreprises prospéreront et qui encourageront l'innovation et attireront de nouveaux investissements. La Chine disposera bientôt d'une classe moyenne de 500 millions de personnes. Avec ce nombre, la Chine peut soutenir le lancement de tout nouveau produit et de tout nouveau développement technologique et il se peut que certains produits et technologies ne puissent être lancés qu'en Chine pour cette raison. Les États-Unis, malgré le dynamisme de leur économie, n'ont pas une classe moyenne de 500 millions de personnes, mais avec l'Union européenne dans un pacte de l'Atlantique Nord, ce nombre serait atteint et les économies d'échelle nécessaires pourraient être présentes.
Une ALEA permettrait non seulement d'accroître les échanges de biens et de services, mais aussi aux deux parties de s'entendre sur les questions de réglementation, ce qui permettrait aux États de l'Atlantique Nord de fixer les normes applicables aux biens et aux services dans le monde entier.
Les bases d'un ALEA ont déjà été posées. L'AECG est une réalité et des négociations approfondies ont eu lieu entre les États-Unis et l'Union européenne sur le partenariat transatlantique de commerce et d'investissement (PTCI).
Des craintes ont été exprimées en Europe quant aux dangers présumés de traiter avec les États-Unis dans le cadre d'un accord commercial. Le Canada peut contribuer à apaiser ces craintes.
Le président américain Donald Trump affirme qu'il ne veut négocier que sur une base bilatérale. Laissons-le mener à bien le TTIP.
Au Royaume-Uni, les partisans du Brexit affirment qu'ils veulent que la Grande-Bretagne redevienne la grande nation commerciale qu'elle a été. Laissons le Royaume-Uni prendre une cause à la hauteur de cette ambition et promouvoir le libre-échange atlantique avec leur bon ami de la Maison Blanche.
En bref, un ALEA n'est pas seulement une nécessité, c'est aussi une possibilité.
Que ceci soit le message audacieux et ambitieux du Premier ministre Trudeau aux dirigeants européens à Strasbourg et à Angela Merkel lorsqu'il s'assiéra avec la chancelière allemande à Berlin.
Copyright 2017 le Centre pour l'innovation dans la gouvernance internationale. Cet article a été publié pour la première fois par le Centre pour l'innovation dans la gouvernance internationale et est reproduit ici avec autorisation.
Kommentare