Écrit par Marsha Simone Cadogan, Amelia Choi, Sarah Kilpatrick et Thomas Digby.
Les membres de l'IPIC savent que les droits de PI ont fait l'objet de vives controverses dans les récentes négociations commerciales entre le Canada, les États-Unis et le Mexique. Le Comité des politiques commerciales de l'IPIC a suivi de près la situation et fournit ce bref résumé de ce qu'il estime être les engagements les plus importants des parties dans leur état actuel.
" CUSMA ", tel qu'il est utilisé dans le présent document, désigne l'accord Canada-États-Unis-Mexique, tel qu'il est actuellement modifié et proposé pour être mis en œuvre par les trois pays. Le CUSMA se compose désormais de deux documents : la proposition initiale du CUSMA du 30 novembre 2018 et l'amendement signé à Mexico le 9 décembre 2019 (le protocole d'amendement ou " PoA ").
Extension de la durée du droit d'auteur
La CUSMA prolonge la durée de protection du droit d'auteur pour les œuvres, les enregistrements sonores et les prestations au Canada.
Au Canada, la durée de protection des œuvres devra être portée de 50 ans après la mort de l'auteur à 70 ans ; et pour les enregistrements sonores et les prestations, de 70 ans à 75 ans (pour les enregistrements sonores et les prestations publiés). Ces prolongations de la durée de protection permettront au Canada de s'aligner davantage sur les normes mondiales de protection des créateurs et l'accord accorde au Canada un délai de 2,5 ans pour mettre en œuvre ces changements.
Actuellement, le Mexique bénéficie déjà d'une longue durée de protection du droit d'auteur (pour les œuvres, elle est de 100 ans après la mort de l'auteur et pour les enregistrements sonores et les prestations, elle est fixée à 75 ans à compter de la fixation). Étant donné que le Mexique respecte déjà les normes établies par la CUSMA en ce qui concerne la durée du droit d'auteur, aucune modification de leurs lois locales ne devrait en résulter.
Aux États-Unis (É.-U.), la durée actuelle de protection du droit d'auteur est déjà fixée à 70 ans après la mort de l'auteur. En ce qui concerne les enregistrements sonores, ils sont généralement protégés pour une durée de 95 ans après la fixation. Par conséquent, les États-Unis n'auront pas besoin de mettre en œuvre d'autres prolongations pour se conformer à ces éléments de la CUSMA.
Autrement, la Loi sur le droit d'auteur du Canada est déjà largement conforme aux dispositions de la CUSMA, à l'exception de quelques modifications possibles aux recours relatifs à la violation des mesures de protection technologique et de l'information sur le régime des droits.
Mesures renforcées contre les produits de contrefaçon
La CUSMA exige du Canada qu'il renforce ses mesures anti-contrefaçon.
N'oubliez pas que malgré l'adoption de nouvelles mesures anti-contrefaçon dans la Loi sur la lutte contre les produits contrefaits, entrée en vigueur en 2015, le Canada a de nouveau été inclus dans le rapport spécial 301 de la liste de surveillance " prioritaire " du représentant commercial des États-Unis en 2018. L'inclusion répétée du Canada dans le rapport spécial 301 reflète l'opinion persistante des États-Unis selon laquelle le Canada sert de point de transbordement pour les produits contrefaits et ne fait pas assez pour empêcher ces produits d'entrer ultérieurement aux États-Unis.
Les modifications législatives requises par la CUSMA donneront aux agents frontaliers canadiens le pouvoir de prendre des mesures pour retenir les marchandises soupçonnées de contrefaçon en transit au Canada. Le Canada pourrait également devoir mettre en œuvre, dans les procédures civiles relatives à la contrefaçon de marques de commerce, un système prévoyant des " dommages-intérêts préétablis " d'un montant suffisant pour dissuader toute contrefaçon future et pour indemniser le titulaire du droit pour le préjudice causé par la contrefaçon. En outre, les agents des douanes auront le pouvoir d'ordonner la destruction des marchandises soupçonnées d'être des marques contrefaites ou des marchandises pirates portant atteinte au droit d'auteur, après avoir déterminé que ces marchandises sont contrefaites.
Ces droits renforcés fourniront des outils d'application supplémentaires aux propriétaires de marques.
Marques commerciales : Enregistrements de licence, Utilisation de noms de pays, Marques collectives
Il y a trois points notables concernant les marques et les droits connexes dans l'accord CUSMA. En ce qui concerne les licences de marques, l'accord stipule explicitement que l'enregistrement d'une licence de marque n'est pas nécessaire pour établir la validité d'une licence et que l'enregistrement n'est pas une condition pour que l'utilisation de la marque par un licencié soit considérée comme une utilisation par le propriétaire de la marque dans le cadre d'une procédure de mise en œuvre de la marque. Le droit canadien des marques est déjà en conformité avec cette disposition.
Deuxièmement, la CUSMA est le premier accord de libre-échange à accorder une protection aux noms de pays dans un contexte commercial, contre l'utilisation par des personnes non autorisées. Cette disposition vise à empêcher l'utilisation de noms de pays (pour être logique, cette disposition devrait s'appliquer aux noms géographiques en général) sur des produits, surtout lorsque les lieux sont bien connus et que l'étiquetage donne la fausse impression que le produit provient de ce territoire. Le droit des marques du Canada est déjà conforme à cette disposition. L'une des principales discussions du Comité permanent du droit des marques, des dessins et modèles industriels et des indications géographiques de l'OMPI au cours des dernières années a porté sur la façon de protéger les noms de pays sur les marchés de consommation contre les utilisations abusives, sur les produits, dans le cadre des noms de domaine et comme identificateurs d'entreprise. Son inclusion dans la CUSMA pourrait être un moyen d'y parvenir. Le Canada semble avoir satisfait aux exigences de la CUSMA (du moins en partie) concernant l'utilisation des noms de pays, mais une étude est nécessaire pour déterminer si d'autres modifications législatives sont requises.
Troisièmement, la CUSMA exige que les marques de commerce incluent les marques collectives et les marques de certification. Le Canada devra mettre en œuvre une législation permettant l'enregistrement des marques collectives (marques utilisées par les membres d'une association ou d'un collectif).
Indications géographiques
La CUSMA est l'un des rares accords commerciaux à établir des paramètres détaillés pour la protection des indications géographiques (IG) entre ses parties contractantes. Bien que les dispositions soient détaillées, elles sont restrictives pour la progression des droits relatifs aux IG dans les juridictions qui s'appuient sur cette législation - le Mexique et le Canada (ce dernier dans une moindre mesure). Le contenu IG de l'accord CUSMA est couvert en 6 pages, soit presque autant que les dispositions de l'accord relatives aux brevets et aux brevets. Il s'agit d'une démarche intentionnelle, car les dispositions de l'accord CUSMA relatives aux indications géographiques visent à créer des conditions de concurrence équitables entre les parties en matière de protection des indications géographiques et à limiter les approches de l'Union européenne (UE) dans ce domaine. Cela concerne spécifiquement les IG non viticoles et spirituelles, notamment les aliments. Il est utile de rappeler le contexte des dispositions de la CUSMA relatives aux IG. Comme en témoignent au moins une décennie de plaintes déposées par les États-Unis dans leurs rapports spéciaux 301, les lois sur la PI qui confèrent aux IG des droits indéfinis et une épine dans la chair des droits de marque établis devraient être restreintes ou ne pas exister. Dans les accords de libre-échange fondés sur l'UE, les IG sont des droits de propriété intellectuelle très incarnés, à tel point qu'ils ne peuvent souvent pas être annulés (par exemple, les désignations spécifiques d'IG fondées sur l'UE dans le cadre de l'AECG). L'UE a réussi à diffuser cette perception des IG à l'échelle mondiale, par le biais de ses accords de libre-échange. La CUSMA est une tentative de contrecarrer cette perception des IG.
Par conséquent, dans la CUSMA, les IG peuvent être annulées ou opposées et peuvent être contestées en tant que génériques dans la juridiction hôte. Le Canada a des lois similaires sur les IG. La seule divergence concerne les engagements de l'UE en matière d'IG dans le cadre de l'AECG. Rappelons qu'en vertu de l'AECG, les désignations d'IG de l'UE ne peuvent devenir génériques ou être contestées comme telles au Canada. Autre mention notable, la CUSMA indique clairement qu'il ne doit pas y avoir d'obstacles bureaucratiques à l'enregistrement des IG dans la juridiction des parties contractantes. Cette disposition vise à répondre aux plaintes des États-Unis selon lesquelles certaines lois sur les IG (notamment celles de l'Union européenne) compliquent la tâche des titulaires de droits américains qui souhaitent enregistrer leurs produits en tant qu'IG à l'étranger. Au niveau mondial, peu d'accords de libre-échange contiennent des stipulations sur les éléments à prendre en compte dans les revendications génériques d'IG. L'accord CUSMA est très explicite à ce sujet. Une fois l'accord ratifié, les parties sont désormais tenues de veiller à la transparence des procédures et des règlements utilisés pour enregistrer les produits portant une indication géographique. Toutes les procédures relatives aux IG utilisées par les titulaires de droits devront être disponibles et accessibles au public. L'idée est que si une partie intéressée souhaite s'opposer à l'enregistrement d'une IG, elle disposera des informations nécessaires pour le faire. Une autre disposition intéressante est que si le Canada ou le Mexique devait adhérer à l'Acte de Genève de l'Arrangement de Lisbonne concernant la protection des appellations d'origine et des indications géographiques (Arrangement de Lisbonne), un traité international qui donne des droits indéfinis à toutes les IG au sein des pays membres, cet accord n'aurait aucun effet dans leur juridiction.
Protection renforcée des secrets commerciaux
Tous les pays membres doivent désormais prévoir des protections civiles et pénales en cas d'appropriation illicite de secrets commerciaux. Le Canada n'a pas de loi sur les secrets commerciaux. Les secrets commerciaux sont basés sur les principes de la common law et sont appliqués par le biais de délits de common law ou de rupture de contrat. En tant que tels, ils sont traités comme des biens et des droits civils sous juridiction provinciale. Les infractions criminelles relatives aux secrets commerciaux nécessiteront de nouvelles modifications législatives sous la juridiction fédérale. Il sera intéressant de voir comment ces engagements de la CUSMA seront mis en œuvre au Canada, car ils nécessitent une coordination fédérale et provinciale. Le Mexique et les États-Unis ne verront aucun changement, car ils disposent tous deux de lois fédérales sur les secrets commerciaux, et les accords de confidentialité sont généralement exécutoires (bien qu'ils varient beaucoup d'un État américain à l'autre).
Ajustement de la durée de validité des brevets en cas de retard de l'office des brevets
Les demandeurs de brevet auront droit à un ajustement de la durée du brevet (PTA) si la délivrance d'un brevet est retardée de manière déraisonnable par l'office des brevets. Le Canada et le Mexique devront modifier leurs lois respectives sur les brevets afin de prévoir un ajustement de la durée du brevet en cas de retard de plus de cinq ans à compter de la date de dépôt d'une demande de brevet ou de trois ans après une demande d'examen de la demande, selon la dernière éventualité. La CUSMA modifiée apporte des précisions sur les conditions et les limitations de l'ATP qui peuvent être appliquées. Le Canada et le Mexique disposent de 4,5 ans pour mettre en œuvre les modifications apportées à l'ATP. Les États-Unis ont déjà une disposition d'ATP en vigueur.
Protection des données pharmaceutiques: Pas de changement pour les produits biologiques
Les trois parties maintiendront leurs périodes actuelles de protection des données pour les produits pharmaceutiques : Canada 8 ans, Mexique 5 ans et États-Unis (7,5 ans pour les petites molécules ; 12 ans pour les produits biologiques). Pour mémoire, il s'agit d'un revirement par rapport à la proposition initiale du CUSMA, selon laquelle la protection des données pour les produits pharmaceutiques biologiques devait être portée à 10 ans au Canada et au Mexique. Cette proposition a été révoquée par le Programme d'action.
L'impact de ce "non-changement" fait l'objet d'un débat animé dans l'industrie des produits biologiques. Une référence utile dans la discussion est l'estimation du Parliamentary Budget Office sur l'impact financier que le changement aurait eu sur les prix des médicaments d'ordonnance au Canada : Augmentation de 0,5 % d'ici 2028 (augmentation de 169 millions de dollars par an sur un total de 34,5 milliards de dollars par an).
En vertu du Programme d'action, le Canada et le Mexique ne seront pas obligés d'accorder une exclusivité de données de trois ans pour les nouvelles indications de médicaments déjà approuvés, contrairement à la pratique américaine.
Mais le Programme d'action précise que les médicaments combinés, dont au moins un des membres est nouveau, doivent bénéficier d'une protection d'au moins 5 ans dans les trois pays membres.
Objet brevetable dans les sciences de la vie
Le Programme d'action a abandonné les efforts visant à pousser le Mexique à accepter certains types de brevets courants au Canada et aux États-Unis. Le Mexique n'est plus obligé d'accepter les brevets couvrant de nouvelles utilisations d'un produit connu, de nouvelles méthodes d'utilisation d'un produit connu ou de nouveaux procédés d'utilisation d'un produit connu. De tels brevets auraient été particulièrement bénéfiques aux produits pharmaceutiques innovants et aux sciences de la vie.
Le Comité des politiques commerciales de l'IPIC suivra la mise en œuvre de ces dispositions au Canada, aux États-Unis et au Mexique en 2020.
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